Les marchés publics jouent un rôle crucial dans la croissance économique et sociale au Maroc. Ces termes correspondent à tous les accords conclus entre l’administration publique, ses établissements ou les collectivités territoriales et des acteurs économiques, dans le but de satisfaire des besoins en travaux, fournitures ou services.
Selon le Trésor Public, les marchés publics occupent une place significative dans l’investissement public au Maroc, représentant environ 15 % du PIB national. L’économie nationale est dynamisée grâce à ce secteur, qui stimule la demande intérieure et favorise les partenariats public-privé (PPP).
Le décret n°2-22-431 du 8 mars 2023 a entraîné une réforme significative du cadre juridique des marchés publics qui vise à moderniser le système de la commande publique, en introduisant plus de transparence, d’équité et de préférence nationale. Il prévoit également de soutenir les TPME, les jeunes entreprises innovantes, les coopératives et les auto-entrepreneurs, en leur réservant 30% du montant prévisionnel des marchés publics.
Dans le cadre des marchés publics, plusieurs problématiques peuvent être soulevées à savoir la demande d’une résiliation anticipée par le fournisseur qui est considérée comme une situation exceptionnelle, car généralement c’est le maitre d’ouvrage qui demande la résiliation, carle fournisseur ne peut pas résilier de manière unilatérale sans justification, il ne dispose pas de la même liberté que l’administration.
Cependant, cette demande peut être initiée par le fournisseur peut être envisageable dans quelques situations.
A – Les cas dans lesquels le fournisseur peut demander la résiliation d’un marché public :
1- Le cas de la force majeure :
La force majeure est définie par l’article 269 du dahir des obligations et des contrats comme « tout fait que l’homme ne peut prévenir, tel que les phénomènes naturels (inondations, sécheresses, orages, incendies, sauterelles), l’invasion ennemie, le fait du prince, et qui rend impossible l’exécution de l’obligation.
Elle se réfère à des événements imprévisibles et irrésistibles empêchant l’exécution du contrat. Selon l’article 44 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures, en cas de survenance d’un événement de force majeure, le fournisseur à droit à une augmentation correspondante des délais d’exécution de la prestation convenue avec le maitre d’ouvrage.
Ainsi en application de l’article 47 du décret n° 2-14-394 du 2 juin 2016, Quand une situation de force majeure persiste pendant une période de soixante (60) jours au moins, le marché peut être résilié à l’initiative du maître d’ouvrage ou à la demande de l’entrepreneur, à condition de l’invoquer après l’apparition d’un tel cas, et dans un délai maximum de sept (7) jours, adresser au maître d’ouvrage une notification par lettre recommandée établissant les éléments constitutifs de la force majeure et ses conséquences probables sur la réalisation du marché.
2- Le refus d’une révision de prix du marché par l’administration :
Le fournisseur qui demande une révision de prix du marché public dont la durée est supérieure à trois mois, peut demander la résiliation du marché si sa demande se heurte par un refus de la part de l’administration et ce, conformément aux dispositions de l’article 54 du décret N° 2-14-394 relatifs aux marchés publics du 2 Juin 2016 tout marché public d’études dont la durée est supérieure à trois mois est effectué à prix révisable.
La durée du marché d’étude excédant les trois mois, l’article 55 précise que si le montant non révisé des travaux restant à exécuter excède dix pour cent (10%) du montant initial du marché, l’entrepreneur peut adresser une demande de résiliation et l’autorité compétente dispose d’un délai de (60) jours pour notifier sa décision.
3- La résiliation judiciaire pour manquement de l’administration :
Le fournisseur peut saisir le tribunal administratif pour obtenir la résiliation judiciaire du marché, notamment lorsque l’administration :
- Ne respecte pas ses engagements contractuels (fourniture de terrain, documents, informations nécessaires à la réalisation du marché).
- Retarde indéfiniment la réception des prestations.
- N’exécute pas ses propres obligations contractuelles (mise à disposition de terrain, documents…),
- Modifie unilatéralement le contrat de manière substantielle.
Dans ce cas, le juge peut :
- Prononcer la résiliation,
- Ordonner le paiement des sommes dues,
- Octroyer au fournisseur des dommages-intérêts.
Cette procédure suppose une mise en demeure préalable et la constitution d’un dossier probant.
B-La procédure de résiliation d’un marché public par le fournisseur en droit marocain :
Le prestataire n’a pas le droit de mettre fin à un contrat public de façon unilatérale. Il est tenu de suivre une procédure rigoureuse afin d’éviter toute pénalité ou sanction. Cette démarche s’appuie sur les concepts de bonne foi contractuelle, de mise en demeure préalable, et d’un éventuel recours judiciaire.
1- la juridiction compétente :
La loi 90.41 relative à la création des tribunaux administratifs à l’article 8, déclare les juridictions administratives compétentes pour les litiges relatifs aux contrats administratifs.
Ainsi que sur la base du chapitre 52 du livre des clauses administratives générales qui précise que tout différend entre l’administration et l’entrepreneur est de la compétence des tribunaux de juridiction administrative.
2- Envoyer une mise en demeure à l’administration :
Le fournisseur doit obligatoirement informer l’administration des difficultés et de son intention de demander la résiliation si la situation n’est pas régularisée.
Contenu de la mise en demeure :
- Référence du marché,
- Description des manquements,
- Délai donné pour régulariser.
- Mention de la possibilité de saisir la justice pour excès de pouvoir ou le recours en indemnité si la responsabilité de l’administration est engagée, lorsque celle-ci cause un dommage au fournisseur due à sa faute.
Cette mise en demeure prend la forme d’un courrier recommandé avec accusé de réception ou notification par huissier de justice.
3- Essayer de trouver un accord à l’amiable :
Il est recommandé au fournisseur qui a un litige avec le maitre d’ouvrage d’opter d’autres moyens afin de trouver un terrain d’entente avec l’administration avant de recourir à la justice, comme les négociations à l’amiable ou des suggestions de rupture à l’amiable avec des indemnités négociées entre les deux parties.
Ces démarches ne sont pas obligatoires, mais ils démontrent la bonne foi du fournisseur en cas de litige.
4. Saisine du tribunal administratif pour résiliation judiciaire :
En l’absence de résolution amiable du différend ou en cas de silence persistant de l’administration, le fournisseur dispose d’un recours contentieux devant la juridiction administrative compétente.
Ce recours est fondé sur l’inexécution contractuelle imputable à l’administration, justifiant la résiliation judiciaire du marché public et la réparation du préjudice subi par le titulaire, ou dans le cas ou l’administration ne remplit pas ses obligations contractuelles.
Lorsqu’il saisit le tribunal administratif pour demander la résiliation judiciaire d’un marché public, le fournisseur peut demander soit de mettre fin au contrat, en raison de fautes graves commises par l’administration (retard, non-paiement…), peut réclamer le règlement des services ou livraisons qu’il a effectivement réalisé, il peut également demander la réparation des dommages causés par l’administration (L’immobilisation de ses équipes ou de son matériel, la perte de bénéfices attendus, ou un éventuel préjudice ou dommage à son réputation dans le marché.)
En droit marocain, la résiliation d’un marché public par le fournisseur reste une procédure exceptionnelle, encadrée par des conditions strictes. Bien que l’administration bénéficie de prérogatives particulières dans les contrats publics, elle n’est pas pour autant à l’abri de ses propres manquements contractuels.
Lorsqu’elle manque à ses obligations essentielles – comme le paiement des prestations, la réception des travaux ou la mise à disposition des moyens nécessaires à l’exécution – le fournisseur peut légitimement saisir le juge administratif. Cette action vise à faire constater la rupture de l’équilibre contractuel entre les deux parties, obtenir la résiliation judiciaire du marché, et demander réparation pour les préjudices subis.
Toutefois, cette démarche reste complexe et nécessite un dossier solide, une mise en demeure préalable, et une argumentation fondée en droit comme en fait. Elle reflète une évolution du droit des contrats publics vers un plus grand équilibre entre les parties, où le fournisseur n’est plus perçu uniquement comme un exécutant, mais aussi comme un partenaire contractuel protégé par la loi.
Sources :
-le nouveau décret n° 2-22-431 relatif aux marchés publics publié le 8 mars 2023 entrera en vigueur, instaurant une nouvelle gouvernance de la commande publique.
-Décret n° 2-14-394 du 6 chaabane 1437 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux. (B.O. n° 6470 du 2 juin 2016).
-Dahir portant loi formant Code des Obligations et des Contrats (DOC).
-Droit administratif Marocain REMALD.
-Maitre Nkaira, Marchés publics :la résiliation et le contentieux : Marchés publics :la résiliation et le contentieux – Avocat Casablanca | NKAIRA | .